Laisser traîner

© Céline Campillo

Il y a un objet qui traîne dans le couloir et j’ai beau le regarder à chaque fois que je passe, mon esprit n’a toujours pas consenti à le ramasser. C’est un objet en plastique, une figurine, d’ailleurs. Il lui manque un bout, ses jambes. Je me suis demandé pourquoi je ne dénia à aucun moment la remettre à sa place ou la ranger. Et même si elle se trouva hors de ma vue, dès lors je ne pus y penser. 

Batman, il n’est pas spécialement beau, son personnage ne m’inspire pas plus que ça. Toutefois et presque sans me l’avouer il me rappelle quelqu’un. Dans un court instant de ma vie, où j’ai été happée par la personnalité de cet homme, j’ai apprécié ces échanges singuliers, les métaphores tirées de nos références littéraires ou culturelles. J’ai passé de bon moments d’échanges plus ou moins subtils, au-delà d’un simple “tu vas bien?”. J’ai apprécié son côté artiste, alors qu’il s’agit plus ou moins d’une nonchalance à peine dissimulée. Un esprit volatil, divaguant de planètes en planètes et quelques fois sur la terre pour devenir un autre, irascible, trop confortablement installé dans une zone de confort, aux frontières bien creusées. Celui qui ne dit rien, laisse couler. Celui qui s’assoie sur des acquis, qui ne va pas plus loin. Restant à la surface pour ne jamais en dire plus. J’ai mis quelque temps à comprendre, à me faire à l’idée. Je me suis empêchée d’en faire trop, je n’ai pas insisté. Et dans la douleur, je l’ai laissé partir. 

Je ne retiens plus les gens, je ne ramasse plus la poussière derrière eux, je laisse mon cœur en paix. Je ne veux plus entendre parler de ces gestes ou moments qui me rappelle telle date, je ne veux plus ancrer toujours un peu plus de moi dans cette fugacité. C’est ainsi que Batman reste au sol, ne voulant pas marquer ce moment où je le ramasserais enfin. En écrivant je conjure peut-être le sort cependant. A défaut de pouvoir me procurer une potion afin de retirer cette chansonnette qui reste dans ma tête, cette condition à toujours espérer. A la place, j’écris franchement. 

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